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Lettre de Chloé Parent, co-fondatrice du Prix Claude Parent

Lettre de Thierry Verdier, Directeur de l'ENSAM
 

Lettres du Comité d'Organisation

Lettre de Mehrad Sarmadi, co-fondateur du Prix Claude Parent:
 

« Je te souhaite de croire en quelque chose, et pas seulement d’accumuler des connaissances. On ne sort des clous qu’avec un indémontrable chevillé au corps et si tu veux pouvoir aller jusqu’au bout de toi-même, préserve en toi la part du feu, je veux dire d’une foi, d’une ferveur, d’un élan.

…Je ne te demande qu’une chose : d’échapper à la plaie de notre époque, qui est de vouloir se faire aimer, complaire à tous, et racoler des fans… Le jour où tu seras applaudi par un large auditoire, dis-toi bien que tu viens de faire ou de proférer une grosse bêtise. »

Regis Debray*

 

Amis lecteurs, camarades architectes, heureux de vous retrouver.

Si on m’avait dit qu’on se reverrait un jour, et même que je serai à l’origine d’un prix d’architecture. Moi qui entendais régulièrement les reproches de Claude Parent pour « avoir oublié l’architecture, l’avoir laissé tomber et être parti faire du fric !» Eh bien, je peux le dire aujourd’hui — qu’il me pardonne — il avait tort, pour les deux. Il avait tort mais il le savait. « Schein et moi étions des Sarmadi dans les années 1950. Malgré très peu d’audience, nous brillons toujours de colère émoussée. Cela fait du bien de voir une relève assurée… Je peux mourir tranquille… »** Voilà le genre de réflexions, presqu’une injonction, qui vous poussent tôt ou tard à vous engager, surtout lorsqu’elles émanent d’un maître et ami.

Je ne vais rien vous apprendre. La vie d’architecte, comme toute vie en somme, est faite de hauts et de bas, d’expériences intenses, des bonnes et mauvaises passes et puis le reste. Seuls quelques-uns sont capables de retirer le reste pour se payer le luxe de ne vivre que des hauts et des bas, des expériences intenses, des bonnes et mauvaises passes.

A ceux-là, nous souhaitons la bienvenue ici. Vous êtes chez vous.

Et puisque nous sommes entre nous, peut-être quelques mots d’explication sur l’objet de ce concours. Car si la transgression en est le titre visible, la transmission en est sans doute le moteur caché.

La transgression comme pensée du contre m’a longtemps paru se suffire à elle-même. Se poser en s’opposant, on peut finalement s’en faire une vie. Cette vie qui démarre et finit adolescente, les architectes qui en ont fait la leur sont légion. Admiratif de ceux-là il y a trente ans, aujourd’hui ils m’ennuient. Surfaite, rabâchée mais surtout stérile, la transgression est vaine et inutile si elle n’offre aucune perspective, aucun chemin où mettre un pied devant l’autre et avancer. Le pas de côté qui ne mène nulle part, c’est au fond l’autre versant du désœuvrement, l’autre visage du conformisme. Autant vous prévenir tout de suite, ne comptez pas sur nous pour défendre une posture aussi facile.

La transmission comme moteur caché de ce qui nous réunit ici, c’est avant tout un rappel au devoir de mémoire et un pari, celui d’essayer de faire au moins aussi bien que nos maîtres et prédécesseurs. Bien sûr, le pari de la transgression est de moins en moins facile à prendre et se perd de plus en plus vite, mais qu’importe. Peu à peu quelque chose se construit, quelque chose comme une tradition, une fidélité à une lignée et une exigence. S’inscrire dans le sillage à la fois radical et subversif de Claude Parent ne garantit peut-être pas des succès mainstream mais permet de construire une œuvre, reprendre un élan, qui s’étiole parfois, mais se relance, de loin en loin. Heureux de vous voir y prendre part.

 

Mehrad Sarmadi***
 

* Régis Debray, Bilan de faillite, Gallimard, 2018

** Claude Parent, Portraits d’architectes, Editions Norma, 2005
***Largement emprunté à Nicolas Rey, Un léger passage à vide, Au diable Vauvert, 2010 et Régis Debray, Propos divers

 


Lettre de Chloé Parent, co-fondatrice du Prix Claude Parent: 

Au dos de couverture de The Architecture of Transgression*, les auteurs Jonathan Mosley et Rachel Sara donne cette définition de l’architecture transgressive (traduite de l’anglais):


“La transgression suggère d'opérer au-delà des normes admises et de réinterpréter radicalement la pratique en repoussant les limites à la fois de ce qu'est l'architecture et de ce qu'elle pourrait ou même devrait être. La crise économique actuelle et les troubles politiques/sociaux qui l'accompagnent ont exacerbé la difficulté sur laquelle l'architecture a longtemps glissé : défiée par d'autres professions et stagnant dans une culture de conservatisme, l'architecture risque de perdre son statut privilégié en tant qu'un des arts visuels prééminents. La transgression ouvre de nouvelles possibilités de pratique. Elle met en évidence l'impact positif que le travail dans la périphérie de l’architecture peut avoir sur le courant dominant, car les pratiques transgressives ont le potentiel de réinventer et de repositionner la profession d'architecte : elles subvertissent les notions de progrès ; questionnent les rôles et les mécanismes de production ; s'alignent sur l'activisme politique ; devancent les interventions urbaines pionnières; préconisent un développement informel ou inachevé ; déstabilisent activement les environnements ou brisent les barrières du goût. Dans ce nouveau champ d'opération éclaté et élargi, l'équilibre de l’acte architectural est déplacé de l'objet au processus, du service à l’anticipation, et du formel à l'informel, d'une manière qui donne une impulsion à la fois critique et politique pour influer de manière active au changement.”

Nous pensons que cette définition correspond aux fondements que nous retrouvons dans l’architecture et la pensée de Claude Parent. Repositionner la profession d’architecte, combrattre la culture du conservatisme, réinventer l’architecture, faire des interventions urbaines inédites, déstabiliser les environnements, provoquer les mutations: ces positions étaient chères à Claude Parent. Toute sa vie, ces actions, vitales dans sa pratique de l’architecture, l’ont motivé et guidé. Face à la critique, à la moquerie et à la résistance d’un monde reproduisant trop souvent son passé, il n’a jamais renoncé à remettre en question l’architecture, ou à risquer sa propre réputation, ouvrant la porte à une nouvelle architecture libérée de la sclérose du classicisme et du cartésianisme moderniste.

 

C’est pourquoi, en son honneur et dans l’esprit de son engagement entier pour l’architecture, nous avons créé le Prix Claude Parent pour l’architecture transgressive. Mais ce prix n’est pas uniquement un prix hommage pour honorer ou perpétuer sa mémoire. Il se veut une inspiration, un encouragement, un moteur de changement et pour le lauréat, la reconnaissance de son propre engagement. Il a pour première vocation de montrer aux jeunes architectes et aux étudiants que toute recherche, et en particulier marginale, peux générer de nouvelles pistes fertiles conduisant à un changement de notre environnement bâti, social ou même naturel, et donc de notre vie. Cette audace, cette témérité, cette rébellion sont nécessaires dans une profession qui perd le goût du risque et du questionnement, a peur de se remettre en cause, évite la marginalité et a tendance à se replier de plus en plus vers le confort de la doctrine.

Le prix Claude Parent récompensera donc un.e architecte ou agence qui aura montré dans sa pratique de l’architecture et sa philosophie une volonté de repenser l’architecture de façon transgressive, critique ou pionnière. Nous voulons reconnaitre leur courage, la constance de leur prise de risque, l’intelligence et pertinence de leur vision ou leur apport singulier à l’architecture. Et cela internationalement, ouvrant un monde de possibilités. Que leur réflexion vienne du refus du status quo, de la volonté de trouver des configurations inédites pour l’architecture et l’urbanisme, ou de celle de répondre aux problématiques actuelles ou futures du monde, ces architectes auront apporté quelque chose d’essentiel ou de révolutionnaire à leur discipline, la bouleversant et créant des chemins alternatifs porteurs de promesses pour nous tous.

Pour reprendre les mots de Claude Parent en clôture de son livre Errer dans L’illusion :
Si vous voulez planer, voir le monde en survol dans sa globalité sans perdre pour autant les sensations terrestres de marche dans la glèbe, soyez donc architecte.

    Pratiquez la recherche, traquez l’imaginaire.  

    Aventurez-vous dans la théorie, restez éveillé dans vos rêves, abandonnez aux autres le deux et deux font quatre, préférez le chaos.

    Œuvrez dans l’illusion.

    Vous allez sans doute errer dans ce domaine de longues années durant, vous vous épuiserez à déplacer des montagnes rétives, vous douterez souvent de votre santé mentale, mais au bout de l’errance vous trouverez votre demeure, votre château mythique, et par la porte béante vous entrerez debout dans l’architecture : ce lieu inaccessible au commun des mortels.

    Les autres ont le pouvoir, l’argent, le plaisir, la gloire, le bonheur, vous, vous n’avez rien, mais vous êtes à la source de la libération dans la façon de vivre et de penser.

    Vous serez mobile, vous déplacerez ce qui ne peut bouger, vous traverserez la Méditerranée, vous basculerez toutes les citadelles, vous rendrez continue la surface hachée de la planète, puis la fracturerez au gré de vos envies, vous pratiquerez le sens dessus-dessous, vous aimerez le fragment beaucoup plus que le tout, vous serez architecte…

    Bonne chance.

 

* Revue ARCHITECTURAL DESIGN n° 226 (novembre/décembre 2013) « The architecture of transgression »

 


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Lettre de Thierry Verdier, Directeur de l'ENSAM, architecte
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